Comment l'immobilité fiscale grève votre pouvoir d'achat
Quand des seuils d'un autre temps pèsent sur votre portefeuille
24 décembre 2024 : toujours aucune certitude.
Le barème de l’impôt sur le revenu sera-t-il indexé sur l’inflation pour les revenus de 2024 ? Réponse début 2025.
Et si ce n’est pas le cas ?
380 000 nouveaux foyers deviendraient imposables.
17 millions de contribuables verraient leur facture grimper.
Depuis vingt ans, indexer le barème sur l’inflation est une norme. Sauf en 2012 et 2013, où il a été gelé.
Pourquoi cette mécanique est-elle cruciale ?
Elle évite qu’un foyer dont les revenus suivent simplement l’inflation ne paie plus d’impôts d’une année sur l’autre. Seuls ceux qui bénéficient d’une réelle hausse de revenus voient leur impôt augmenter.
Cette indexation concerne également d’autres éléments, souvent moins visibles :
La déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels, avec un minimum et un maximum imputables (495 € / 14 171 € en 2023).
Le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), fixé à 47 100 € à partir du 1er janvier 2025. Ce montant est essentiel pour calculer, par exemple, le plafond de versement déductible sur un PER.
Le plafond du quotient familial, qui limite l’avantage fiscal lié aux parts supplémentaires.
Le seuil de déclenchement de la décote et son plafond, qui permettent de réduire l’impôt pour les contribuables aux revenus modestes.
Hélas, (beaucoup) d’autres seuils, abattements et plafonds ne sont pas ajustés aussi régulièrement. Certains n’ont même pas été révisés depuis plusieurs décennies. Soyez prêt, ça risque de vous irriter.
L’inflation : rappel
L’inflation désigne une hausse générale et durable des prix, qui entraîne une perte de pouvoir d’achat pour une somme d’argent donnée.
Par exemple, si vous avez 100 € aujourd’hui et que l’inflation atteint 2 % en 2025, cette somme va perdre de sa valeur : elle vous permettra d’acheter moins de biens ou services qu’avant.
C’est pourquoi, lorsqu’on investit son argent, l’objectif principal est de surperformer l’inflation.
L’inflation impacte mécaniquement toutes les variables de notre quotidien : notre salaire, le prix de notre maison, le coût de divers produits ou services.
Voici une visualisation de l’inflation annuelle depuis 2000 (INSEE) :
Ce constat posé, on peut considérer anormal que de nombreux seuils n’aient pas été touchés depuis longtemps.
La hausse du prix de l’immobilier au bénéfice de l’IFI
Créé en 2018 pour remplacer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) cible les foyers fiscaux les plus aisés.
Contrairement à son prédécesseur, qui portait sur la totalité du patrimoine (immobilier + valeurs mobilières), l’IFI se concentre uniquement sur l’immobilier. Il s’applique lorsque la valeur nette taxable du patrimoine immobilier dépasse 1,3 million d’euros.
Ce seuil, figé à 1,3 million depuis 2018, est devenu obsolète avec une hausse de l’immobilier dépassant 15 % (et bien plus dans certaines régions). Résultat : de plus en plus de foyers deviennent redevables de l’IFI. En 2023, 176 000 contribuables l’ont payé, contre 139 149 la première année de son application.
Le barème de l’IFI n’a pas non plus été ajusté depuis sa création, ce qui fait qu’avec l’inflation, les contribuables concernés paient mécaniquement davantage.
Ces seuils seront-ils révisés un jour ? Peu probable. Les discussions actuelles portent davantage sur une éventuelle suppression ou transformation de l’IFI que sur une revalorisation de ses seuils. En attendant, l’immobilisme fiscal risque de perdurer.
Les donations et abattements concernés
En 2012, l’abattement en ligne directe pour les droits de succession et de donation est passé de 159 325 € à 100 000 €, avec un délai rallongé de 10 à 15 ans pour en bénéficier à nouveau.
En 12 ans, l’inflation a grimpé de 24 %. Résultat ? Ce que vous pouvez transmettre exonéré d’impôts reste figé, mais sa valeur réelle a considérablement diminué.
Même constat pour le barème de taxation qui s’applique une fois cet abattement épuisé : il reste inchangé, malgré une hausse générale des prix. Cela impacte d’autant plus les patrimoines qui ont simplement suivi l’inflation.
Les abattements figés ne concernent pas uniquement les donations en ligne directe :
Entre frères et sœurs, l’abattement reste limité à 15 932 €.
Entre oncles/tantes et neveux/nièces, il plafonne à 7 967 €.
Pour les donations entre non-parents, la franchise est de 1 594 €, autant dire symbolique.
Même dynamique pour les dons de sommes d’argent : vous pouvez donner jusqu’à 31 865 € en exonération totale de droits tous les 15 ans, à condition que le donateur ait moins de 80 ans et le bénéficiaire plus de 18 ans. Ce montant, lui aussi, est resté figé depuis 2006. Depuis, l’inflation a explosé : +36 % !
En pratique, un don de 31 865 € en 2006 équivaut à environ 23 000 € en pouvoir d’achat actuel. Encore une fois, transmettre reste possible, mais dans des conditions de moins en moins avantageuses.
Enfin, parlons de l’abattement spécifique de l’assurance-vie, qui permet à chaque titulaire de transmettre jusqu’à 152 500 € par bénéficiaire, sans droit de succession.
Ce montant a été fixé en 1998, soit il y a plus de 25 ans. Depuis, les prix ont grimpé de 53 %. Cet abattement, qui semblait généreux à l’époque, n’a pas suivi l’évolution des patrimoines ni de l’économie, devenant de fait bien moins attractif.
Des niches aux plafonds figés pour des coûts qui explosent
L’une des plus grandes injustices fiscales aujourd’hui repose sur les plafonds de dépenses éligibles à crédit d’impôt, notamment pour des charges souvent incontournables et subies :
Garde d’enfants : le plafond des dépenses éligibles est figé depuis 2022 à 3 500 € par enfant. Pourtant, les frais de garde augmentent chaque année, notamment dans les grandes villes. Résultat ? Les ménages doivent supporter un reste à charge de plus en plus lourd, sans aucune revalorisation de leur crédit d’impôt.
Emploi à domicile : le plafond des dépenses éligibles à crédit d’impôt est bloqué à 12 000 € (majoré de 1 500 € par enfant ou membre du foyer) depuis… 2005. Près de 20 ans sans mise à jour, alors même que le coût des prestations a largement progressé avec l’inflation et l’évolution des charges sociales. Pour les familles ou seniors, ces avantages fiscaux ne couvrent plus des dépenses pourtant incontournables.
Autre exemple marquant : le plafond global des niches fiscales, abaissé à 10 000 € en 2013. Ce seuil, qui inclut des dispositifs d’investissement ou des crédits d’impôt pourtant incitatifs (type Pinel, Duflot ou emploi à domicile), n’a jamais été revalorisé.
À l’inverse, certaines niches fiscales figées n’ont que peu de légitimité et mériteraient d’être entièrement repensées. C’est notamment le cas de la réduction d’impôt pour frais de scolarité, dont le plafond est resté inchangé depuis… 1993.
Collège : 61 € par enfant.
Lycée : 153 € par enfant.
Études supérieures : 183 € par enfant.
Ces montants, dérisoires et déconnectés des réalités d’aujourd’hui, interpellent. Faut-il même les maintenir dans ce format ? Une réforme globale du dispositif serait bien plus judicieuse que cet immobilisme, qui profite peu aux foyers réellement dans le besoin.
La fiscalité de vos investissements également impactée
Pour conclure cet inventaire, impossible de ne pas évoquer l’effet de l’inflation sur la fiscalité de vos investissements, qu’ils soient immobiliers ou financiers.
En location nue, le plafond de 15 000 € pour le régime micro-foncier est resté inchangé depuis… 2002. En 22 ans, les loyers ont pourtant suivi l’évolution des prix, excluant de nombreux bailleurs de ce régime simplifié et les obligeant à passer au régime réel, souvent plus complexe à gérer et moins rentable.
De même, la fraction de déficit foncier imputable sur le revenu global, plafonnée à 10 700 €, n’a pas été revalorisée malgré la hausse des coûts de rénovation. Avec la flambée des prix des matériaux et de la main-d’œuvre, ce seuil est devenu insuffisant pour couvrir des travaux pourtant nécessaires.
En location meublée, les seuils d’éligibilité n’ont pas suivi l’inflation non plus. Par exemple, le montant des recettes locatives déclenchant le passage au statut de Loueur Meublé Professionnel (LMP) est figé à 23 000 €. Là encore, l’augmentation des loyers fait mécaniquement basculer des bailleurs dans un régime fiscal plus contraignant.
En matière d’investissement financier, l’assurance vie bénéficie d’un abattement fiscal intéressant après huit ans de détention :
4 600 € pour une personne seule,
9 200 € pour un couple,
sur les intérêts concernés par les retraits.
Ce plafond, fixé depuis 2002, est aujourd’hui largement dépassé par l’inflation. Résultat : l’avantage fiscal s’érode et devient moins significatif pour les épargnants.
Ca va, je ne vous ai pas trop irrité ?
Il serait peut-être temps que ça change non ?
Ce serait pourtant (Fiscalité) facile.